L’année 2014 a été marquée par un nombre impressionnant de fusillades aux Etats-Unis. Des drames qui ont très souvent fait la Une des médias: Michael Brown à Ferguson, Tamir Rice à Cleveland, Eric Garner à New York, Rumain Brisbon à Phoenix, etc. Tous désarmés, tous noirs, tous tués par des officiers de police américains. Des tragédies qui ont scandalisé le monde entier. Ça part en news est allé à la rencontre de jeunes Américains pour savoir ce qu’ils en pensent.
Les récentes manifestations ayant eu lieu aux Etats-Unis montrent des citoyens américains mécontents de leur système. Dans plus de 35 villes du pays, ils descendent dans la rue pour réclamer justice. Dans le reste du monde, les gens sont choqués par ces événements. Pourtant, alors que ces derniers semblent découvrir avec horreur l’existence de telles tragédies, le phénomène n’est pas nouveau au pays de l’Oncle Sam. Il ramène d’ailleurs les Américains à leurs peurs les plus profondes et interroge les fondements de leur société. De nombreux jeunes nous ont d’ailleurs exprimé leur désillusion*.
La plupart d’entre eux n’est pas surprise. Ce genre de fusillades est chose commune dans le pays et elles visent souvent des Afro-Américains. Elles ne font pas pour autant les gros titres. Les manifestations qui ont suivi sont, elles, une première. La jeune génération souhaite un changement immédiat du système mais est consciente que ce ne sera pas chose facile.
« Ces dérapages arrivent tous les jours »
Selon Eyo, originaire de Kirsksville (Missouri), « la brutalité policière, ça arrive tout le temps mais ça ne fait pas la une pour autant.» En effet, comme le disait Marilyn Manson « L’époque n’est pas devenue plus violente. Elle est juste devenue plus médiatisée.» Avant d’ajouter : “Si vous me posez la question: “Cela va-t-il continuer?”, ma réponse est « OUI ! » ; « Vous pensez que les caméras et les manifestations y changeront quelque chose ? Ma réponse est “NON!” » En effet, malgré les preuves matérielles dans le cas Garner, personne n’a été condamné. Rien n’a été fait. C’est comme s’il ne s’était rien passé. Les manifestations peuvent, bien sûr, attirer l’attention des jeunes générations, du futur de notre pays, via les médias, mais il faut d’abord que les politiciens modifient le système législatif. « S’ils ne le font pas, ce genre de problèmes continuera. » Concernant son pays, il continue: « Nous sommes en 2014. Nous avons un président noir. Il existe une caméra de surveillance qui montre très clairement qu’un homme a été étranglé à mort, dans une immense ville comme New-York … et rien n’est fait ! Vous pensez vraiment que ça va changer dans les 20 ans à venir? » Un point de vue partagé par une majorité de jeunes Américains. Chynna, habitante de St Louis (Missouri) est d’accord avec lui. “Ces événements montrent une vérité choquante que beaucoup d’Américains ont compris depuis longtemps. Ce serait insulter l’intelligence de nos concitoyens que de dire qu’aucun crime n’a été commis. Comment les autorités veulent-elles qu’on les respecte si elles agissent ainsi ? Ces dérapages arrivent tous les jours. Certains viennent juste de s’en rendre compte. C’est tout!»
« La seule solution est l’éducation »
Ces fusillades posent une fois de plus la question d’un contrôle plus strict des armes sur le territoire américain. Une préoccupation partagée par Grace, étudiante de St Louis (Missouri). Selon elle, le système judiciaire de son pays a besoin de réformes en profondeur. “Même si ça va à l’encontre de la Déclaration des Droits (The Bill of Rights), il serait plus sage, d’après moi, d’interdire le port d’armes. J’ai entendu toutes sortes d’histoires tragiques concernant des meurtres accidentels”. Elle est consciente qu’il sera quasiment impossible d’interdire le port d’armes aux Etats-Unis. Elle pense donc qu’une première étape serait de soumettre les propriétaires à des tests psychologiques. En effet, selon elle, la brutalité ne concerne pas uniquement les policiers. “Les comportements à risques sont une des caractéristiques du genre humain car les hommes sont des pêcheurs nés. La seule solution d’après moi est l’éducation. J’encourage d’ailleurs le gouvernement à consacrer un budget plus important à l’éducation. Il faut aussi revenir en arrière, trouver les origines du problème et ainsi trouver des solutions efficaces pour le régler.» Dans l’esprit de Daniel, un autre étudiant du Missouri, “Parfois les manifestations sont nécessaires. Elles permettent d’attirer l’attention des élites et de faire changer les choses».
« Cet exemple est révélateur »
Des changements que beaucoup de ces jeunes espèrent mais qu’ils, lucidement, ne pensent pas voir arriver prochainement. Depuis le début de cet article, une autre fusillade a encore eu lieu aux Etats-Unis. En effet, rien qu’au cours de ce dernier entretien, Jérôme, mon interlocuteur de Los Angeles (Californie), s’est retrouvé au cœur d’une fusillade sur Hollywood Boulevard. « La police municipale vient juste de tirer sur un homme. Les témoins affirment qu’il était innocent et non armé. La police affirme, au contraire, qu’il portait une arme. Le quartier d’Hollywood et de Highland vient d’être fermé à la circulation. » Avant de conclure, « Il n’y a rien à rajouter je pense. Cet exemple est révélateur de ce qui se passe dans le pays.»
Les fusillades aux Etats-Unis ne sont donc pas un phénomène nouveau. Cependant, les récentes manifestations montrent des citoyens qui ne croient plus en leur système et qui attendent des changements. Ils demandent aujourd’hui des solutions. Quant aux jeunes générations, elles espèrent voir apparaître, plus que les autres, une profonde mutation du système législatif de leur pays très prochainement.
* Traduction de l’anglais par Claire Haroche (CPN).
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